Laisser l’autre s’exprimer sans l’interrompre est souvent présenté comme la base évidente de la communication. On l’évoque, sans s’y attarder, dans plusieurs contextes comme la négociation, l’écoute active, le coaching… Mais dans les faits, c’est loin d’être naturel. Le jour où j’ai commencé à observer mes conversations et celles autour de moi, j’ai été frappée par le nombre d’échanges où les idées étaient interrompues au milieu. Et je ne parle pas d’écouter jusqu’au bout un long discours, mais d’une pensée qu’on n’a pas encore entièrement exprimée lorsque l’interlocuteur a déjà repris la parole. Souvent, l’urgence de désapprouver ou l’envie de rassurer nous poussent à rebondir rapidement en interrompant l’autre. Le premier pas consiste à prendre conscience de cette attitude qui nous dessert. Ensuite, c’est tout un état d’esprit à cultiver…
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Écouter vraiment, c’est-à-dire faire l’effort de comprendre même quand ce n’est pas passionnant
Le même phénomène se produit quand on s’ennuie en réalisant une tâche ou en écoutant un discours qui ne nous intéresse pas : on attend que le temps passe, et c’est pénible. Dans ce genre de situations, une solution consiste à faire l’effort de s’intéresser vraiment à ce qui se dit, faire comme si on devait résumer les idées principales. On s’empêcherait par exemple de réfléchir à un autre sujet en faisant semblant de suivre, ou de lire ses e-mails pendant une conférence téléphonique… C’est en fait l’investissement dans la réalisation d’une tâche qui satisfait le cerveau, même s’il s’agit d’une tâche qu’on n’aurait pas naturellement choisie, alors que le multitâche est source de frustration.
Écouter, même si on connaît déjà ce que l’autre est en train de nous dire
En général, quelqu’un qui nous explique une idée souhaite nous apprendre quelque chose. S’il le fait avec cette intention alors que nous maîtrisons déjà le sujet, on pourrait avoir envie de l’interrompre en lui disant : « Je sais, je sais ». Et c’est parfois d’autant plus tentant s’il y a des témoins à la scène. La réponse à ce cas est simple : il faut l’accepter, l’accepter vraiment, jusqu’à ce que la première explication soit terminée. Accepter, pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’on apprend toujours, ne serait-ce qu’un nouveau point de vue ou une façon d’expliquer. Ensuite, couper la parole à quelqu’un pour dire « je sais » génère un sentiment d’agression chez l’autre dans son élan d’apporter de l’aide, ou d’étaler ses connaissances, et le reste de la conversation en sera impacté. Et puis, se précipiter à couper la parole dans ce cas sera interprété au mieux comme de la prétention et au pire comme un manque d’assurance (en réalité les deux se rejoignent).
Écouter, même quand on sait ce que l’autre va dire par la suite
Parce qu’on ne peut pas vraiment savoir ce que l’autre va dire par la suite, et que les suppositions minent la communication.
« Il faut écouter ceux qui parlent, si on veut en être écouté. »
– François de La ROCHEFOUCAULD
Écouter surtout quand on n’est pas d’accord avec ce que l’autre dit
Couper la parole en commençant par « Non, je ne suis pas d’accord » n’a jamais aidé à convaincre. La bonne démarche lorsque les points de vue divergent consiste à écouter jusqu’au bout, reformuler éventuellement l’idée de l’autre pour confirmer la compréhension, l’accepter, vraiment, et rebondir avec une question ou un rappel des faits ou un avis différent. Les faits, sont les événements qu’on peut prouver. Un point de vue est un point à partir duquel on voit différemment la même chose. Ce n’est pas une vérité. Accepter c’est d’abord être conscient qu’on n’a pas toujours tort ou raison. On a des points de vue qui dépendent de nos filtres personnels : expériences passées, croyances, valeurs, logique de raisonnement… L’acceptation doit donc être sincère. Ce n’est pas simplement une formule de communication, c’est un vrai effort où l’on se met à la place de l’autre pour voir les choses de son prisme. D’un côté, c’est de là qu’on arrivera à mieux convaincre, puis, quand on écoute jusqu’au bout, l’autre sera plus enclin à nous écouter et trouver un accord.
Écouter, même au risque d’oublier l’idée intéressante qu’on vient d’avoir pendant que l’autre parle
Se concentrer sur ce que dit l’autre est difficile quand une idée surgit et qu’on a envie de prendre la parole immédiatement. Pour mettre fin à la frustration d’attendre le moment où on pourrait intervenir, et éviter de couper le fil de l’histoire en cours, la solution consiste à continuer à s’intéresser à ce qui se dit. Ce n’est pas facile, c’est une vraie gymnastique de se forcer à écouter la suite du discours quand on s’est déjà concentré sur d’autres pensées. On craint d’oublier l’idée qu’on veut exprimer. Le plus simple dans ce cas est de prendre des notes quand c’est possible ; ou d’utiliser une technique de mémorisation : visualiser en associant l’idée à une image. L’image qu’on construit, qui peut regrouper au fur et à mesure plusieurs idées, est plus facile à retenir qu’une pensée abstraite. Peu de personnes ont l’habitude d’utiliser cette technique alors qu’elle est simple et efficace.
Savoir couper la parole lorsque c’est nécessaire
Quand il s’agit de critiques qui ne sont pas factuelles et constructives, il est nécessaire d’interrompre son interlocuteur pour rappeler les règles de la conversation. Il faut savoir détecter le moment où il serait nuisible de continuer à écouter : les remarques malveillantes empoisonnent l’esprit. Parfois, il suffit de reprendre le jugement en exigeant une approche factuelle pour que l’autre prenne conscience de ses propos, rappeler qu’un point de vue n’est pas une vérité et refuser de recevoir la suite de la discussion si les règles de bienveillance ne sont pas respectées.
A vous d’observer maintenant : vous arrive-t-il de couper la parole à vos interlocuteurs ?
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A propos de l’auteure
Amira AMRI, Coach individuel et d’équipe
🚀 Linkedin : https://www.linkedin.com/in/amira-amri/
Crédits image : unsplash.com
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Je suis très heureux d’avoir lu votre article car j’ai ce problème où je me trouve généralement à interrompre mes interlocuteurs avant qu’ils n’aient terminé de s’exprimer. Pouriez vous me dire comment éviter d’interrompre une personne qui ne parle longuement sans toujours donner la parole ou l’opportunité de s’exprimer?
Je suis content, Christian, que cet article vous ait plu.
A votre question, j’ai 2 solutions à vous proposer : 1 passive + 1 active.
– La passive : Faites comprendre à votre interlocuteur par votre attitude ou les gestes que vous souhaitez prendre la parole. Par exemple : un geste qui fonctionne souvent est de demander un « temps mort » (comme au basket) en effectuant un T avec les deux mains.
– L’active : demander à prendre la parole par un « pardon » ou un « s’il vous plait ».
Durant la discussion, surtout s’il y a d’autres interlocuteurs, vous pouvez agir comme proposé ci-dessus. Pour autant, je vous invite à être courageux en expliquant, à un moment plus propice, ce que vous avez ressenti et votre préférence de communication pour que la discussion soit plus équilibrée.
=> Qu’en pensez-vous de ces solutions ?
Merci beaucoup pour cet article! Je coupe tout le temps la parole aux autres, c’est plus fort que moi. Vous avez donné des outils concrets pour y remédier!
Merci M.Rahary pour ton retour.
Pour ton retour. Je te comprends car j’ai le même travers. J’y travaille. 🙂
Bien à toi,
Martial
Bonjour à vous tous j’ai le même problème je coupe la parole mais moi je vais vous donner quelques détails en plus j’ai l’impression souvent que la personne qui est en train de parler avec moi s’éternise j’ai vraiment l’impression parfois que c’est trop long pour moi je suis quelqu’un qu’il faut que les choses aillent très vite merci de votre aide
Bonjour Fathia,
Je te comprends car j’ai également mis du temps à corriger ce défaut.
Une astuce de langage pour que la personne aille à la conclusion plus rapidement est de glisser dans la conversation : « Et, du coup ? »
Tu verras c’est souvent efficace car c’est plutot respectueux et cela donne l’impression à ton interlocuteur(trice) que tu es impatiente de connaitre le dénouement de l’histoire.
Dis-nous si cette astuce de coach a fonctionné pour toi ! 😉
Martial
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre article, je suis dans le même cas et étant d’une famille d’italien, et ayant le parlé avec les mains, et bien trop souvent le verbe haut, cela est un énorme défaut que je ne contrôle pas à certains moments, notamment il y’a peut. J’étais en entretient pour un poste supérieur au miens actuellement , j’ai réussi l’entretien et eu le poste qui commence début de mois prochain, mais dans le débriefing de l’entretien la seule chose négatif est que je coupe systématiquement la parole, malgré la réponse positive je dois absolument corriger ce défaut! Quelle conseil donneriez vous pour une personne dans ma situation, notamment pour le travail? Merci .
Cordialement.
Bonjour Jean-Marie,
Tout d’abord merci pour votre compliment et bravo, à vous, pour l’obtention de votre nouveau poste !
Les conseils que je vous donnerais est de :
1/ Attendez que la personne qui parle ait fini sa phrase : quand l’intonation descend, c’est souvent un signe de fin ;
2/ Attendez 2 secondes avant de prendre la parole. Si la personne en face de vous continue, cela n’est pas le bon moment.
3/ Si vous êtes impatient de prendre la parole, noter dans votre tête les sujets à aborder. Et, au moment opportun, vous pourrez répondre point par point.
=> Voilà, j’espère que cela va vous aider. Bonne continuation !
Bonjour Jean Marie, merci de votre feedback et félicitations pour ce nouveaux poste ! Votre question est très intéressante, on développe des habitudes comme celle de prendre la parole et s’imposer, qui nous servent dans certains cas (communiquer son point de vue, se faire entendre) mais ne sont pas adaptés dans d’autres cas (écouter les autres jusqu’au bout). Parfois, malgré les conseils, ça ne change pas facilement, parce que c’est justement une habitude, et il faut l’effort et le temps de développer une autre façon d’être.
ça peut passer au début par visualiser une posture, l’incarner dans le corps, se rappeler une image, une intention. Souvent, quand on est en situation, on oublie les conseils et ce qu’on devrait faire. Mais l’image revient vite, et le corps aide. On peut échanger de vive voix si vous souhaitez, n’hésitez pas à me contacter : https://www.linkedin.com/in/amira-amri/